Article paru sur Le Figaro Vox le 4 février 2025
En forçant les élèves à questionner dès le plus jeune âge les «stéréotypes de genre», le programme d’éducation sexuelle défendu par Élisabeth Borne impose un agenda militant à l’école, estime Ludovine de La Rochère, présidente du Syndicat de la Famille.
Les promoteurs du programme scolaire d’éducation affective, relationnelle et sexuelle répètent à l’envi que ceux qui le critiquent refusent le principe de cette éducation à l’école ainsi que la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. En réalité, vu l’omniprésence des réseaux sociaux et de la pornographie dans le quotidien des élèves, le sujet n’est pas de contester l’utilité d’une prévention à l’école. Et, naturellement, personne ne conteste la pertinence d’agir pour protéger les enfants de toutes les formes de violence.
Le seul sujet, que ces accusations occultent, est celui du contenu du projet de programme. Celui-ci comporte de très bonnes choses, comme l’apprentissage de la connaissance du corps, de l’importance de l’intimité et du respect de soi-même et d’autrui. Cependant, le texte est largement fondé sur une vision bien connue, issue d’une sociologie militante, couramment dénommée «idéologie du genre» ou «théorie du genre».
Et c’est d’autant plus inacceptable que l’aboutissement de cette approche critique des rapports hommes-femmes et de la société, à inculquer dès l’entrée en maternelle, n’est jamais explicite dans le programme. Concrètement, celui-ci prévoit, dès l’âge de 3 ans, une lutte constante contre «les stéréotypes de genre», au motif de la lutte contre les discriminations et pour l’égalité.
Dans cette vision idéologique en effet, toutes les représentations que l’on peut avoir du féminin et du masculin doivent être dénoncées. Leur existence implique la conscience de la différence entre hommes et femmes, ce qui serait, en soi, l’origine des inégalités et des violences sexistes et sexuelles.
Dès leur entrée en maternelle, il faudrait donc faire parler les enfants de leurs représentations de l’homme et de la femme et critiquer leurs réponses. Or, si des tout-petits peuvent avoir des idées encore un peu naïves à leur âge sur ce sujet, c’est bien naturel, et il est inacceptable de venir détruire les repères qu’ils sont en train de se construire.
Il faudrait aussi faire savoir aux petits qu’il n’y a pas de jeux réservés aux garçons, d’autres aux filles ; qu’il n’y a pas de goût et d’envie réservés aux garçons et d’autres aux filles, etc. Pourquoi exposer de telles évidences ? Parce que les filles seraient brimées dans notre société : c’est l’idée, en filigrane, qui sera infusée dans l’esprit des élèves.
D’après l’idéologie du genre, les stéréotypes favoriseraient les garçons au détriment des filles, d’où les métiers (supposément) de pouvoir exercés par les hommes et les métiers de service (care, etc.) exercés par les femmes. Ces choix n’en seraient pas car ils ne seraient que le résultat des stéréotypes que chacun intérioriserait inconsciemment.
Cette idéologie va avec une lutte des sexes totale car l’homme serait par essence coupable et la femme victime. Les élèves de primaire étudieront donc leur occupation de l’espace lorsqu’ils jouent dans la cour de récréation. Le but est de leur faire observer que les garçons occupent (souvent) plus d’espace que les filles, et l’on comprend bien qu’on ne l’expliquera pas par une plus grande agitation physique (en moyenne) des garçons, mais par leur attitude de sans-gêne et de domination.
Hélas, la comparaison permanente, voire paranoïaque, entre les garçons et les filles inscrira une mentalité dont les uns comme les autres seront les victimes. Les garçons se verront coupables, les filles, irresponsables. Il est extrêmement regrettable, y compris pour l’égalité, que le programme ne valorise pas les filles et les garçons, ne les aide pas à mieux se connaître les uns les autres et donc à se comprendre et à se respecter. Le socle de la confiance et de la réciprocité n’est pas construit, bien au contraire.
La suite du texte prolonge cette vision caricaturale et simpliste de la société, et il en ressort que s’en affranchir et la déconstruire est la seule solution : une conclusion non écrite, mais évidente. Ainsi, en 6e (à 10 ans), l’élève apprendra à «différencier règles, normes, modèles et stéréotypes», à interroger «les normes sociales et culturelles», à considérer «les processus de hiérarchisation». Et à partir de la 5e (11 ans), la distinction entre sexe et genre est introduite, qui sera sans cesse réitérée ensuite.
Certes, pour tenter de faire taire les critiques, le terme «identité de genre» a été retiré (seul celui de «genre» est resté) pour le collège (mais pas pour le lycée). Ainsi, l’idée suivant laquelle ce n’est pas parce qu’on est de sexe masculin ou féminin qu’on est homme ou femme est toujours présente : un garçon peut se ressentir et se présenter comme fille (et réciproquement), comme chacun peut n’être ni fille ni garçon, les deux à la fois ou toute autre «genre» qui lui conviendrait.
Une telle idée implique éventuellement de transitionner (avec toutes les conséquences irréversibles que cela signifie) pour faire concorder sexe et genre. Là encore, c’est la suite logique de l’idée inculquée. Mais c’est implicite et non explicite dans le programme, un procédé incroyablement malhonnête vu l’enjeu majeur pour les adolescents.
Voilà donc notre préadolescent de 5e qui «découvre» qu’il n’est et ne sera peut-être pas ce qu’il croyait, homme ou femme. À lui les questions vertigineuses. Et ceci, au motif (ou au prétexte) du respect des diversités en matière de sexe, genre et orientation sexuelle. On comprend dès lors la volonté des syndicats et des associations de la gauche woke que les parents ne soient surtout pas tenus au courant en amont des séances d’éducation sexuelle que va avoir leur enfant.
Comme le communisme et la lutte des classes, le wokisme et la lutte des sexes demandent un peu d’efforts pour qui en veut détecter les pièges sous les bonnes paroles. Si Élisabeth Borne ne les voit pas, c’est désormais à François Bayrou d’intervenir et de faire respecter la neutralité, comme la loi l’impose à l’Éducation nationale.