Tribune parue sur Atlantico le 13 mars 2024
Le Président Emmanuel Macron vient d’annoncer l’arrivée prochaine d’un projet de loi visant à légaliser le suicide assisté et l’euthanasie, même s’il s’en défend.
Selon lui, « le terme d’euthanasie désigne le fait de mettre fin aux jours de quelqu’un, avec ou même sans son consentement, ce qui n’est évidemment pas le cas ici. Ce n’est pas non plus un suicide assisté qui correspond au choix libre et inconditionnel d’une personne de disposer de sa vie ».
Mais cette phrase, précisément, atteste elle-même que le projet de loi vise bien à légaliser ce qu’on appelle « le suicide assisté » et « l’euthanasie » ! Emmanuel Macron prend les Français pour des benêts et croit pouvoir les manipuler d’un simple tour de passe-passe lexical.
En effet, que des conditions soient requises, comme dans tous les Etats qui ont légalisé ces pratiques, ne change pas la nature des actes qui seraient ainsi réalisés.
Mais pire encore : alors qu’il ose parler de « fraternité » pour qualifier ce projet, Emmanuel Macron n’a manifestement pas une pensée pour tous les malades, les personnes dépendantes, les personnes âgées qui, depuis leur domicile, leur Ehpad ou leur lit d’hôpital entendent son message : leur vie ne vaut peut-être pas la peine de se battre ; leur vie peut être jugée indigne au point que le Président de la République souhaite que l’Etat contribue à leur suicide ou à leur euthanasie.
Il oublie de même tous ceux qui, accompagnant ces personnes au quotidien – conjoint, enfant, frère et sœur… -, sont aussi les laissés-pour-compte de ce projet : leur rôle, leur aide irremplaçable, leur affection, le temps donné n’auraient pas de sens car ils ne seraient pas absolument nécessaires au respect dû à toute personne, quel que soit son état.
Depuis cette annonce, face au choc pour les personnes concernées, leurs proches doivent les rassurer, leur dire qu’ils seront là quoiqu’il arrive pour soulager leur détresse et leurs souffrances ; qu’ils les aiment et ont besoin d’eux, et que jamais ils ne laisseront quiconque leur signifier qu’il serait peut-être temps de partir.
Hélas, ce choc initial perdurera puisqu’Emmanuel Macron veut réaliser ce projet. Cette souffrance infligée en sera la conséquence profonde et insidieuse.
La loi Claeys-Leonetti, votée à l’unanimité ou presque, n’est toujours pas appliquée. Entre autres manques criants, une vingtaine de départements n’ont toujours pas d’unité de soins palliatifs. Malgré les souffrances des malades qui en résultent, Emmanuel Macron se précipite, non pour accompagner la vie jusqu’au bout partout en France, mais pour l’abréger. Une loi qui, suivant l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), ne sera « qu’une première étape ».
A l’évidence, Emmanuel Macron n’est même pas effleuré par l’idée qu’il renforce la détresse de tous ceux qui, dépendants, ont peur d’être abandonnés un jour ou l’autre ; qui craignent d’être un poids pour leur entourage ; et qui, dans des moments où la maladie semble prendre le dessus, sont tentés par le désespoir.
Au contraire de ce qu’il prétend, la fraternité, c’est de ne jamais abandonner nos malades à leurs idées sombres, c’est de leur signifier qu’ils ont toujours leur place parmi les vivants.
C’est d’abord à la famille que revient ce rôle, certes pas simple, mais puissant et rayonnant. Et pour qu’elle puisse l’assumer, la société tout entière doit être à ses côtés, par l’action des professionnels, mais aussi par le discours public.
A l’inverse, comment oser imaginer que des proches seraient invités à donner la mort à ceux qui ne peuvent se la donner eux-mêmes. Celui qui réconforte un jour sera celui qui brave l’interdit de tuer le lendemain ? Quelle cohérence peut-on trouver dans ce « en même temps » qui fait fausse route et nous conduit dans une impasse ?
Ce projet de loi va créer des blessures, diviser les proches, susciter de la culpabilité pour les personnes concernées qui penseront devoir envisager d’abréger leur vie, comme pour leur entourage qui aura l’impression de n’avoir pas su dissuader et consoler.
Quelles que soient les circonstances, le suicide est toujours une tragédie, pour la victime, sa famille, ses proches et toute la société.
Souhaiter le suicide assisté et faire croire qu’il serait un bien est l’inverse de l’entraide, de la solidarité, de la compassion. C’est une idée profondément individualiste, qui piétine tous ceux sur qui elles comptent pour sa mise en œuvre.
Aucun euphémisme ne fera disparaître la réalité de l’acte : au fond de lui, chacun saura parfaitement ce à quoi il participe, directement ou indirectement. Donner la mort est définitif et, de ce fait, vertigineux.